Saturday, May 1, 2021

POURQUOI THOMAS D’AQUIN?

            Cette article était publier sur un autre blogue, en 2013. Je le republie ici, sans changement, pour l'instant. 

            Ca fait quasiment 40 ans depuis que Norman Geisler a publié un article intitulé « A New Look at the Relevance of Thomism for Evangelical Apologetics » dans le journal, Christian Scholar’s Review.[1] Dans cet article Geisler démontre qu’en générale les théologiens évangéliques ont rejeté les œuvres de Thomas d’Aquin, comme étant faux, quand ils sembleraient être d’accords, sans le savoir, avec Thomas d’Aquin sur plusieurs points.[2] Le fait que ces théologiens affirment, d’une seule voix, que Thomas d’Aquin est un faux docteur a eu, dans ce temps, un effet intéressant. Geisler dit, avec un peu de sarcasme, « With the impressive authority of these evangelical ‘Cardinals’ dominating the evangelical scene, there has been an almost universal reluctance among lesser ‘ priests’ and ‘people’ in evangelical circles to say a positive word for the Angelic Doctor. »[3] Geisler continue un peu plus loin en nous expliquant la source du problème, « I must shamefully confess for our evangelical cause that after both a doctorate in Catholic philosophy and nearly twenty years of the direct study of Aquinas it is my conclusion that scarcely an evangelical philosopher or apologist really understands the view of Aquinas, and many of them so grossly distort Thomas that they often criticize him for a view he never held. And with striking irony they often teach, in contrast to what they believe Aquinas held, fundamentally the very view that Thomas held himself. »[4]

            Dix ans plus tard Arvin Vos, un philosophe protestant à écrit un livre intitulé Aquinas, Calvin, & Contemporary Protestant Thought: A Critique of Protestant Views on the Thought of Thomas Aquinas. Dans ce livre il prendre la même position que Geisler avait pris dix ans avant. Il prend le sujet de la relation entre la foi et la raison, avec les conséquences sur la théologie, ainsi que la doctrine de la révélation divine et la révélation naturelle, et il démontre que Jean Calvin est, en générale, en accord avec Thomas d’Aquin. Il y eut quelques différences de terminologie, et Thomas d’Aquin sonde le sujet beaucoup plus profond que Calvin, mais ils sont à la base, en commun accord. Il explique que, « many Protestants seem to think that while there can be no doubt that Aquinas was brilliant, he was nevertheless fundamentally misguided. For many he serves primarily as an example of how not to do theology...The verdict is clear: Aquinas may have been brilliant, but he was fundamentally wrong. »[5] Vos est d’accord avec Geisler concernant la raison pour l’attitude Protestante envers Thomas d’Aquin. Il dit, « The fundamental problem, I am convinced, is that most Protestants know little or nothing of Aquinas’s thought, and so they have no way to grasp its relevance for today. »[6]

            Geisler, dans la conclusion de son article, donne l’antidote pour cette situation embarrassante. « First and foremost is the need for a first-hand reading of Aquinas. I know of no evangelical critic of Thomistic theism who is a Thomistic scholar. Most criticism of Aquinas is based either on stereotyped textbook scholasticism or second-hand evangelical pseudo-scholarship. If others interpreted the Bible the way we have tried to understand Aquinas – through second-hand critical distortions – we would justly cry ‘Unfair! Go back to the originals and understand them in context.’ To this we add, ‘Go thou and do likewise with the writings of Aquinas.’ »[7]

            Est-ce que l’attitude, ou la raison pour l’attitude, a changé aujourd’hui? Trente ans après le livre de Vos, et quasiment 40 ans après l’article de Geisler? La réalité est que cette attitude est toujours vivante. Dans une conférence à Montréal en 2011, John MacArthur a enseigné aux pasteurs et étudiants et d’autres membres des églises évangélique au Québec que la théologie Naturelle est souvent comprise comme étant la tentative humaine de se rendre à Dieu par l’utilisation de sa capacité de raisonner. Donc, il disait, la théologie naturelle est offerte comme un autre moyen de salut. Il disait que toutes ces idées trouvent leurs racines en Thomas d’ Aquin et Aristote.[8] (Dans une autre publication de blog (ici) j’ai répondus à ces accusations concernant ce que Thomas d’Aquin enseigne sur la théologie naturelle, et concernant « l’opinion commune » concernant la théologie naturelle.) Cet opinion n’est pas, par exemple répandus; l’attitude, dans les cercles évangélique, au moins aux États-Unis, est plus positive envers Thomas d’Aquin, comme nous pouvons voir dans un livre intitulé « Beyond the Bounds : Open Theism and the Undermining of Biblical Christianity », édité par John Piper, Justin Taylor et Paul Kjoss Helseth.[9] L’attitude générale, dans les églises évangéliques au Québec, est malheureusement plus inspirée par MacArthur que par n’importe quel autre auteur. Ce fait, alimenté par une hostilité à tout ce qui est Catholique, contribue pour créé une attitude plutôt hostile au « docteur universelle » de l’église Catholique.

Malheureusement, cette hostilité envers Thomas d’ Aquin n’est pas basée sur une compréhension profonde de ses écrits. La plupart des critiques de Thomas d’Aquin n’ont jamais lu en profondeur les écrits de Thomas d’Aquin. Les condamnations sont basées, en générale, sur des citations pris hors contexte des écrits de Thomas d’ Aquin, la culture de Thomas d’ Aquin, et sans une compréhension de la terminologie que Thomas d’ Aquin utilise. On ne devrait pas se baser sur des sources secondaires pour notre condamnation de d’Aquin, mais, s’il doit être condamné, sur une lecture approfondie de ses écrits. Tout comme Geisler affirme dans une citation précédente, si quelqu’un juge la Bible de la même façon qu’on juge Thomas d’Aquin, on ne serait pas content, et on dirait qu’il devrait lire la Bible elle-même, et chercher à comprendre le contexte avant de juger.

            Un autre point à noter, avant de continuer, est que même s’il y a des erreurs dans les écrits d’un auteur, ça ne veut pas dire qu’on doit le rejeter. Les auteurs chrétiens ne sont pas inspiré de Dieu, ils tentent d’interpréter la parole de Dieu, et expliquer, de la meilleure façon qu’ils peuvent ce qu’elle enseigne. Celui qui affirme avoir écrit un livre de théologie, d’apologétique  ou un commentaire biblique qui est sans erreur est un menteur. Donc, on ne rejette pas un auteur simplement parce qu’il a fait des erreurs, on étudie, avec discernement, et on garde ce qui est vrai, et rejette ce qui est faux.

            On pourrait se demander; pourquoi étudier Thomas d’Aquin plus qu’un autre? Qu’est-ce qu’il pourrait apporter au Christianisme, au monde évangélique, aujourd’hui? Je ne veux pas écrire un livre sur le sujet, mais, j’aimerais donner quelque piste de réflexions sur ce sujet.

            On vit, présentement, dans une société post-catholique et postmoderne. Quand on dit post-catholique on veut dire que la population, en générale, ne veut rien savoir des propos Chrétiens (la Bible, Jésus, l’église), et il y a une attitude vraiment fermée à la religion. Ça ne veut pas dire que les gens ne sont pas religieux, mais qu’ils ne veulent rien savoir de ce qui ressemble au Catholicisme dans lequel le Québec était, pour tellement longtemps, noyé. Quand on dit postmoderne on fait référence à l’idée qu’il n’y a pas une vérité objective, et que tout le monde a raison. “Ce qui fonctionne pour une personne n’est pas nécessairement ce qui va fonctionner pour une autre”. “Ce qui est vrai pour toi, n’est pas nécessairement vrai pour moi”. Comment rejoindre une telle société avec l’évangile? L’évangile parle de Jésus, il se trouve dans la Bible, c’est prêché par l’église, et il se dit la vérité, la seule voie à Dieu. L’évangile est tout ce que notre société rejette.

            L’auteur des Actes des Apôtres, dans le chapitre 17, nous démontre Paul en train d’engager deux groupes différents. En Actes 17 :1-4 Paul s’en va dans la synagogue juif, et il prêche l’évangile aux Juifs. Qu’est-ce qu’il fait? Il ne commence pas en citant Jean 3 :16. Le texte nous informe qu’il a commencé dans l’Ancien Testament en les démontrant que leur Messie allait venir pour mourir, et qu’il allait être ressuscité. Après avoir démontré ces faits à partir de l’Ancien Testament il déclare que Jésus est ce Messie, qu’il est l’accomplissement des prophéties, et que le salut se trouve en lui seul. En Actes 17 :16-34 Paul adresse les païens et les philosophes à Athènes. Il ne mentionne pas le nom de Jésus. Il commence avec une démonstration que le Dieu qui a créé le monde, et toute créature, est un, et qu’il va juger le monde par un homme qu’il a ressuscité de la mort.

            Paul, dans ces deux textes, quand il annonce l’évangile, commence avec l’autorité que son audience accepte. Avec les juifs, il utilise l’Ancien Testament, et avec les philosophes Grecs il utilise la raison. Notre société n’accepte pas l’autorité de la Bible – ni l’Ancien Testament, ni le Nouveau Testament – alors on commence avec quoi? On fait ce qui a souvent été appelé la pré-évangélisation.[10] Ça veut dire qu’on répond à leurs questions. Les questions qu’on se fait demander sont les suivantes : Dieu existe-il? La Bible est-elle fiable? Jésus est-il Dieu?  Si Dieu existe alors pourquoi est-ce qu’il y a autant de mal et douleur dans le monde? On se fait confronter par les affirmations suivantes : Il n’y a pas de vérité objective! Dieu n’existe pas! La Bible n’est que la parole des hommes utilisés pour contrôler la société!

Pourquoi Thomas d’Aquin? Premièrement, on peut s’appuyer sur Thomas d’Aquin pour des arguments cohérents qui démontre d’une façon philosophique que Dieu existe. Si on connait bien les arguments de Thomas d’Aquin à ce sujet nous allons être capable de répondre aux contradicteurs (qui est la job d’un serviteur du seigneur selon Paul en 2 Tim. 2 :25).

Deuxièmement, Thomas d’Aquin nous donne une doctrine de Dieu qui est bibliquement solide, et qui est philosophiquement cohérente. Donc, une fois de plus, si on connaît, comme il faut, Thomas d’Aquin nous allons être capables de répondre aux philosophes anti-théistes, et aux hérétiques qui veulent enseigner une fausse doctrine de Dieu.

Troisièmement, tout comme Vos démontre dans son livre, Thomas d’Aquin, quand on prend le temps de comprendre ce qu’il enseigne, nous donne une bonne compréhension de la relation entre la foi et le raison, la théologie et la philosophie, la révélation écrit et la révélation générale (ou naturelle).

Quatrièmement, Thomas d’Aquin démontre pourquoi la vérité est objective.

Cinquièmement, il nous aide à expliquer la doctrine de la trinité et l’incarnation de Jésus. C’est-à-dire, il nous aide à voir pourquoi il n’est pas contradictoire, malgré le fait qu’on ne peut pas le prouvé philosophiquement.

Il y a bien d’autres sujets dans lequel une compréhension approfondie des écrits de Thomas d’Aquin peut nous aider. Pourquoi Thomas d’Aquin? Parce qu’il nous aide à faire de la théologie, l’apologétique, l’interprétation de la Bible, et l’évangélisation. Il n’est pas parfait, il est un homme comme les autres, mais, ca vaut la peine de l’étudier. On n’a pas besoin de devenir Catholique pour utilisé les œuvres de Thomas d’Aquin. Il a écrit, environ, 300 ans avant la réformation. Si on prenait le temps d’étudier les œuvres de Thomas d’Aquin, comme on étudie n’importe quel autre livre, on trouverait chez lui beaucoup d’arguments, et enseignements, qui vont approfondir notre appréciation de Dieu, son Fils, sa Parole, et l’univers qu’il a créé. Pour moi, après le peu de temps que j’ai eu à étudier les œuvres de Thomas d’Aquin je suis prêt à affirmer, avec Norman Geisler,[11] « As for myself, I gladly confess that the highest compliment that could be paid to me as a philosopher of the Christian faith is to call me ‘Thomistic.’ »[12]

                                                                  

[1]Norman Geisler, “A New Look at the Relevance of Thomism for Evangelical Apologetics”, in Christian Scholars Review, vol. 4, No. 3 (1975), 189-200.

[2]Geisler donne comme exemple, la doctrine d’analogie concernant la façon qu’on parle à propos de Dieu (p. 193), des idées innées (p. 194), et le fait que la Christianisme est la seule vision du monde qui est rational (p. 194-5). Il cite les auteurs suivant : Gordon Clark, (p. 189), Cornelius Van Til (p. 190), E. J. Carnell (p. 190), Carl Henry (p. 190-1), Francis Schaeffer (p. 191), Os Guinnes (p. 191), Arthur Holmes (p. 191), et Ronald Nash (p. 191).

[3]Geisler, 191-2.

[4]Ibid., 192-3. 

[5]Arvin Vos, Aquinas, Calvin, and Contemporary Protestant Thought (Washington D.C.: Christian University Press, 1985), xii.

[6]Ibid., xii-xiii.

[7]Geisler, 200.

[8]Voit aussi son livre pour son definition de la théologie naturelle. : John MacArthur, Hard to Believe Workbook: The High Cost and Infinite Value of Following Jesus (Nashville, TN: Thomas Nelson, 2003), 188-90.

[9]John Piper, Justin Taylor and Paul Kjoss Helseth, eds., Beyond the Bounds: Open Theism and the Undermining of Biblical Christianity (Wheaton, IL: Crossway Books, 2003). On voit, par exemple, Russell Fuller qui corrige l’idée que H. P. Owens avait critiqué Thomas d’Aquine (Russell Fuller, « The Rabbis and the Claims of Openness Advocates, » in Beyond the Bounds, ed. John Piper, Justin Taylor and Paul Kjoss Helseth (Wheaton, IL: Crossway Books, 2003), 30.), ou Michael S. Horton qui accepte et défends la doctrine d’analogie de Thomas d’Aquine, et qui refute  plusieurs philosophes protestantes qui l’avait malcompris.( Michael S. Horton, « Hellenistic or Hebrew? Open Theism and Reformed Theological Method, » in Beyond the Bounds, ed. John Piper, Justin Taylor and Paul Kjoss Helseth (Wheaton, IL: Crossway Books, 2003), 209.).

[10]Un autre chose à faire, en même temps, est d’aimer la personne en question.

[11]Et plusieurs d’autres philosophes et théologiens Chrétiens comme Stuart Hackett, Jason Reed, R. C. Sproul, W. David Beck, etc.

[12]Geisler, 192.

Lire Thomas d'Aquin : Un Guide pour le Débutant

Introduction

            Cette article avais était publier sur un ancien blogue, en 2015. Je le republie ici sans modifications, pour l'instant. 

            Dans un article précédent, j’ai présenté des raisons pour lequel la lecture de Thomas d’Aquin est très importante pour l’Église évangélique contemporaine. Dernièrement, j’ai publié un article qui cherchait à démontrer que celui qui veut rester dans l’esprit de la réforme doit non seulement lire Thomas d’Aquin, mais, en plus, devrait l’utilisé dans la structuration et défense de sa position théologique. Dans cet article, je veux donner un guide de lecture pour celui qui, convaincu par les deux articles précédents, veut commencer la lecture de Thomas d’Aquin pour l’aider dans l’articulation et défense de la théologie évangélique. Nous allons regarder 5 points : (1) une brève biographie de Thomas d’Aquin, (2) un survol de ces écrits principaux, (3) un survol de quelques bons introductions aux pensées de Thomas d’Aquin, (4) l’ordre dans lequel on devrait lire Thomas d’Aquin (pour des débutants), (5) quelques conseils pour le débutant (ces conseils devraient être utilisé lorsqu’on commence à étudier n’importe quel ouvrage écrit.).

 

Biographie de Thomas d’Aquin

Thomas d'Aquin (c. 1225-1274) est né dans une famille aristocratique à Roccasecca près de la ville d'Aquin, qui est située entre Naples et Rome, en Italie du Sud. Lorsque Thomas avait environ cinq ans, ses parents l'envoyèrent à l'abbaye bénédictine de Monte Cassino avec l'idée qu'il obtiendrait une position importante. Alors qu'il s’entraînait à l'abbaye, un conflit entre l'empereur Frédéric II et le Pape Grégoire IX a éclaté et Thomas a été contraint à quitter l'abbaye. À ce stade (environ 1239), il a été envoyé pour étudier à l'Université récemment fondée de Naples. C’est lors de son séjour à Naples (1239-1244) que Thomas est entré en contact avec, et s’est joint avec les rangs, des Dominicains l'Ordre des Prédicateurs (O.P.). Il est d'une grande importance, à une bonne compréhension de Thomas d'Aquin, de s’en rappeler que les Dominicains étaient, dans le temps de Thomas d'Aquin, un groupe relativement nouveau ayant été établi par saint Dominique en 1215. Les Dominicains étaient un groupe d'hommes qui se consacraient principalement à la prédication des Écritures, et qui cherchait à faire une réforme dans l’église—un réforme pour revenir au mode de vie original de l'Église primitive par l’enseignement de la Parole de Dieu. Thomas, à partir du moment qu’il s’est joint avec les Dominicains jusqu'à sa mort, n’a jamais cessé d'enseigner fidèlement les Écritures et, sans aucun doute, les Dominicains étaient autant une influence sur lui, qu’il était sur le mouvement dominicaine. C’est important à remarquer que Thomas d’Aquin était avant tout un exégète de la Bible et un théologien biblique. En effet, toutes ses œuvres théologiques sont le fruit de sa connaissance quasiment encyclopédique des écritures, y compris les écrits théologiques qui étaient déjà très importants, comme ceux d’Augustine et Anselme. Quand sa famille a réalisé qu'il avait rejoint le mouvement dominicain, sa famille a tenté de le dissuader en mettant Thomas en résidence surveillée, l’enlevant lors d’un voyage vers Paris. Il a apparemment passé cette période d’emprisonnement en mémorisant la Bible et le meilleur manuel de théologie de l'époque - les Sentences de Pierre Lombard. Quand sa famille aurait vu que Thomas était déterminé de rester un dominicain ils l’ont permis de retourner aux Dominicains (c. 1245).

En 1245 Thomas a, de nouveau, été envoyé à Paris où, à l'Université de Paris, il a rencontré, et a été encadré dans ses études, par Albert le Grand (Albertus Magnus). En 1248, il était allé avec Albert à l'Université de Cologne. C’était, de toute évidence, Albert qui a donné, à Thomas, le surnom « le bœuf muet ». En 1252 il retourne à Paris, a terminé la maîtrise en théologie (qui est l'équivalent d'un doctorat moderne), et a commencé d’enseigner les courses (c. 1256-1259). C’était durant cette période, qu’il aurait produit son Commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard, une courte, mais extrêmement important, traité philosophique sur l'être et l'essence (De Ente et Essentia), un autre traité philosophique intitulé Les Principes de la Nature, et ses énormes questions controversées, sur la vérité. Au cours de ces années, il a également écrit des commentaires sur Isaïe, Jérémie, Lamentations et les Psaumes, ainsi que des commentaires sur le De Trinitaté de Boèce, et le De hebdomadibus de Boèce. Aux alentours de 1259 Thomas est retourné en Italie, pour passer du temps à Naples et à Orvieto, où il resta jusqu'en 1265. C’est lors de cette période de temps qu’il aurait produit son Somme contre les Gentils, son commentaire excellent sur Job (toujours reconnu comme un des meilleurs commentaires sur ce livre biblique) et sur les Noms Divins de Denys. Il a également commencé ce qu'on appelle la Chaîne D'or (un commentaire continu sur les quatre évangiles qui est toujours reconnu comme le meilleur ouvrage de cette nature).

En 1265, il fut envoyé à Rome, où il est resté jusqu'en 1268. Lorsqu’il était à Rome, il a produit les questions controversées sur la puissance de Dieu, sur l'âme et sur le Mal, ainsi que le Compendium de théologie. De 1268 à 1272, il se enseigner des cours à l'Université de Paris, où il a terminé les questions disputées sur le Mal, et a commencé à écrire son célèbre Somme théologique. À cette époque, il a également écrit des commentaires sur presque toutes les œuvres d'Aristote, y compris De l’Âme, le Physique, Meteora, la Politique, sur l'interprétation et la Métaphysique (Ce sont des commentaires exceptionnels qui sont toujours utilisés dans les études aristotéliciennes.). Il a également écrit, durant cette période, des commentaires excellents sur toutes les lettres de Paul, l'Évangile de Matthieu et l'Évangile de Jean. Il a été renvoyé à Naples en 1272 afin d'organiser une maison d'étude dominicaine. Il est mort deux ans plus tard, le 7 mars 1274, lorsqu’il était en route vers le concile de Lyon.

Thomas est connu comme un des plus grands théologiens et philosophes de tous les temps. Ses commentaires, qu'ils soient sur les œuvres d'Aristote, sur les livres de la Bible, ou sur les œuvres d'autres théologiens de l'église, sont reconnus comme parmi les meilleurs commentaires disponibles. Il a été influencé non seulement par sa connaissance exhaustive de la Bible, mais aussi par de grands penseurs chrétiens comme Boèce, Augustin, et Albert le Grand, par les penseurs platoniciennes (et néo-platoniciennes), ainsi que le grand penseur grec, et ses commentateurs musulmans, Aristote. Bien qu'il ait eu très peu d'influence sur les penseurs des siècles immédiatement après lui, il est devenu la première source d'inspiration pour des multitudes de philosophes, théologiens, apologistes et érudits bibliques. Comme j’ai déjà démontré dans un article précédent Thomas d’Aquin a était très influent sur des grands théologiens protestants tels que Jean Calvin, Martin Luther, Francis Turretin, Herman Bavinck, Stephen Charnock, R. C. Sproul, Norman Geisler, C. S. Lewis, Thomas C. Oden, Paul Helm, etc. La pensée de Thomas d'Aquin est devenue si influente dans les temps modernes que si l'on veut s’engager réellement, de manière profonde et réfléchie, dans la pensée théologique et philosophique, alors il est presque absolument nécessaire d’interagir avec la pensée de Thomas d'Aquin.

 

Les Écrits principaux de Thomas d’Aquin[1]

            Commentaires sur Jérémie et Lamentations (c. 1248-1252)

Commentaire sur Ésaïe (c. 1248-1254)

Commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard (c. 1252-1257)

            De Ente et Essentia (c. 1252-1256)

Questions Quodlibetal I-XII (c. 1252-1256)

Questions disputées sur la Vérité (c. 1256-1259)

Commentaire sur le De Trinitate de Boèce (c. 1257-1259)

Commentaire sur le De Hebdomadibus de Boèce (c. 1257-1259)

Somme Contra les Gentils (c. 1259-1265)

La chaine d’Or : Commentaire sur les Évangiles (c. 1262-1264)

Commentaire littéral sur Job (c. 1261-1265)

Commentaire sur les Nom Divine de Denys (c. 1261-1268)

Contre les Erreurs des Grecques (c. 1263-1264)

Questions disputées sur la Puissance de Dieu (c. 1265-1266)

            Questions disputées sur l’Âme (c. 1265-1266)

            Commentaire sur le De Animé d’Aristote (c. 1267-1268)

            Questions disputées sur le Mal (c. 1266-1270)

            Commentaires sur toutes les Épîtres de Paul (c. 1265-1273)

Questions disputées sur les Créatures spirituelles (c. 1267-1268)

Commentaire sur le De Sensu et Sensato d’Aristote (c. 1268-1269)

Commentaire sur les Physiques d’Aristote (c. 1268-1269)

Commentaire sur le Méteora d’Aristote (c. 1268-1270)

Questions Quodlibetal I-XII (c. 1268-1272)

Commentaire sur L’Évangile de Matthieu (c. 1269-1270)

Commentaire sur le Sur Interprétation d’Aristote (c. 1270-1271)

Commentaire sur l’Évangile de Jean (c. 1270-1272)

Commentaire sur les Analytiques Postérior d’Aristote (c. 1270-1272)

Commentaire sur les Métaphysiques d’Aristote (c. 1270-1272)

Sur les Substances séparées (c. 1271)

            Questions disputées sur les Virtus (c. 1271-1272)

            Commentaire sur les Éthiques de Nicomaque d’Aristote (c. 1271-1272)

            Questions disputées sur l’union du verbe incarné (c. 1271-1272)

            Somme Théologique (c. 1265-1273)

Compendium de la Théologie (c. 1265-1273)

Commentaire sur le livre des causes (c. 1272)

Commentaire sur le De Caelo et Mundo d’Aristote (c. 1272-1273)

Commentaire sur le De Generatione et Corruptione d’Aristote (c. 1272-1273)

Commentaire sur les Psaumes (c. 1273)

 

 

Des bonnes Introductions à la pensée de Thomas d’Aquin

 

            Une des pires choses qu’un débutant à Thomas d’Aquin pourrait faire est de choisir au hasard un des écrits de Thomas sans avoir déjà pris le temps de se préparer à la lecture de Thomas d’Aquin. Ce n’est pas parce qu’on est une personne d’intelligence exceptionnelle qu’on va être en mesure de comprendre Thomas d’Aquin sans une certaine préparation. La raison pour ceci est que Thomas d’Aquin a écrit voilà environ 700 ans : dans une période de temps différente, avec une ambiance ecclésiastique différente, avec un langage différent, avec une histoire philosophique et théologique différente, sans l’influence des penseurs modernes et contemporaine, dans une forme qu’on n’est plus habitué de voir, et, en générale, pour les érudits de son temps. Toutes ces considérations, entre autres, contribuent à créer la confusion chez ceux qui lisent Thomas d’Aquin pour la première fois sans avoir pris le temps de se préparer. Dans cette section je vais énumérer des introductions qui sont utiles pour aider un débutant à bien comprendre la pensée de Thomas d’Aquin, et ceci pour que ses lectures des œuvres de Thomas d’Aquin ne soient pas un gaspille de temps. Les livres vont être énuméré en ordre décroissant du plus important et abordable pour le novice au moins importante et plus difficile pour le novice; autrement dit, ceux avec lesquelles qu’on devrait commencer sont en haut, ceux qui sont moins importants pour le novice sont en bas de la liste. Ils ne sont pas toute disponibles en français et anglais, lorsqu’il y a des traductions qui sont disponibles dans ces 2 langages je vais les noter.

 

            Edward Feser, Aquinas: A Beginners Guide (2009; repr., Oxford : Oneworld, 2010).

 

Josef Pieper, Guide to Thomas Aquinas, trans. Richard and Clara Winston (Toronto: Mentor-Omega, 1964).

 

Josef Pieper, The Silence of Saint Thomas, trans. John Murray and Daniel O’Connor (1957; repr., Chicago, IL: Henry Regnery Co., 1965).

Brian Davies, The Thought of Thomas Aquinas (Oxford: Clarendon Press, 1992).

 

Étienne Gilson, The Philosophy of St. Thomas Aquinas, trans. Edward Bullough, ed. G. A. Elrington (New York: Dorset Press, 1948). Ce livre est la traduction Anglais du livre suivante: Étienne Gilson, Le Thomisme : Introduction à la philosophie de saint Thomas d’Aquin, 7e éd. (Paris : VRIN, 1986). La version française d’une édition antérieure de ce livre est disponible pour téléchargement gratuit sur le site web suivant : http://www.thomas-d-aquin.com/Pages/Livre/Livres.html

 

Réginald Garrigou-Lagrange, La Synthèse Thomiste, 2e éd. (Paris : Desclée de Brouwer et Cie, 1950). La version française de ce livre est disponible pour téléchargement gratuit sur le site web suivant : http://www.thomas-d-aquin.com/Pages/Livre/Livres.html

 

A.D. Sertillanges, Saint Thomas d’Aquin (Paris : Flammarion, 1930). La version française de ce livre est disponible pour téléchargement gratuit sur le site web suivant : http://www.thomas-d-aquin.com/Pages/Livre/Livres.html

Brian Davies & Eleonore Stump, eds., The Oxford Handbook of Aquinas (Oxford: Oxford University Press, 2011).

 

Norman Kretzmann & Eleonore Stump, eds., The Cambridge Companion to Aquinas (1993; repr., Cambridge: Cambridge University Press, 2005)

 

            Eleonore Stump, Aquinas (London: Routledge, 2003).

 

Brian Davies, Aquinas (London : Continuum, 2002).

 

H. D. Gardeil, Introduction & Logique, vol. 1 d’Initiation à la philosophie de Saint Thomas d’Aquin, 3e éd. (Paris : éditions du Cerf, 1966).

 

H. D. Gardeil, Cosmologie, vol. 2 d’Initiation à la philosophie de Saint Thomas d’Aquin, 3e éd. (Paris : éditions du Cerf, 1966). Disponible en Anglais : H. D. Gardeil, Cosmology, vol. 2 of Introduction to the Philosophy of St. Thomas Aquinas, trad. John A. Otto (Eugene, OR: Wipf & Stock, 2009).

 

H. D. Gardeil, Psychologie, vol. 3 d’Initiation à la philosophie de Saint Thomas d’Aquin, 3e éd. (Paris : éditions du Cerf, 1966). Disponible en Anglais : H. D. Gardeil, Psychology, vol. 3 of Introduction to the Philosophy of St. Thomas Aquinas, trad. John A. Otto (Eugene, OR: Wipf & Stock, 2009).

 

H. D. Gardeil, Métaphysique, vol. 4 d’Initiation à la philosophie de Saint Thomas d’Aquin, 3e éd. (Paris : éditions du Cerf, 1966). Disponible en Anglais : H. D. Gardeil, Metaphysics, vol. 4 of Introduction to the Philosophy of St. Thomas Aquinas, trad. John A. Otto (Eugene, OR: Wipf & Stock, 2012).

 

M. D. Chenu, Introduction à l’étude de Saint Thomas d’Aquin, 2e ed. (Paris : VRIN, 1954).

 

Norman Geisler, Thomas Aquinas: An Evangelical Appraisal (1991; repr., Eugene, OR: Wipf and Stock, 2003).

 

M. D. Chenu, St. Thomas d’Aquin et la théologie (Paris: Éditions du Seuil, 1963).

 

Louis Jugnet, Pour Connaître la Pensée de Saint Thomas d’Aquin (Lille, France : Bordas, 1964).

 

G. K. Chesterton, Saint Thomas d’Aquin, trad. Maximilien Vox (Paris: Librairie Plon, 1935). L’originale était écrit en Anglais: G. K. Chesterton, Saint Thomas Aquinas: The Dumb Ox (London: Sheed & Ward, 1933). La version française de ce livre est disponible pour téléchargement gratuit sur le site web suivant : http://www.thomas-d-aquin.com/Pages/Livre/Livres.html

 

F. C. Copleston, Aquinas (1955; repr., Toronto, ON: Penguin books, 1957).

 

 

Suggestions sur où commencer dans la lecture de Thomas d’Aquin

 

            Une des erreurs qu’on voit chez ceux qui commence à lire Thomas d’Aquin c’est qu’ils commencent avec des écrits qui ne les aideraient pas à bien comprendre Thomas d’Aquin. Il y a plusieurs manières de commencer la lecture de Thomas d’Aquin. Par exemple, on peut trouver des introductions à la pensée de Thomas qui nous font commencer, immédiatement, avec sa doctrine de Dieu.[2] Il y a beaucoup de mérite à cette méthode, parce que toute la philosophie et théologie de Thomas d’Aquin tourne autour de sa doctrine de Dieu. Ceci étant dit, il y a, je pense, d’autres parties de la pensée de Thomas d’Aquin qui devrait être abordé en premier.

 

            La réalité est qu’il serait mieux de lire plusieurs autres ouvrages (de Platon, Aristote, et Augustine) avant de lire Thomas d’Aquin (comme nous allons voir dans la dernière section), mais ce n’est pas tout le monde qui désire lire Thomas d’Aquin qui est en mesure d’embarqué dans une si grande série de lectures. Ce que je vais faire, alors, est de présenter une liste de lecture (en ordre chronologique : la première lecture en haut, la dernière lecture en bas) qu’on devrait lire chez Thomas d’Aquin pour comprendre sa pensée. Certaines de ces lectures pourraient être assez complexes, mais je cherche à donner des lectures dans un ordre qui va se bâtir les uns sur les autres.

 

1.      Thomas d’Aquin, L’être et L’essence, prologue, chs. 1-3.

a.       Ces sections de lecture vont introduire le débutant aux notions et définitions importantes (tel que : substance, essence, être, nature, forme, matière, corps, etc.) qui sont utilisées par Thomas d’Aquin partout dans ses écrits.

b.      Ce livre peut-être assez complexe, alors je suggère qu’on a accès soit à un ami qui connaît bien le penser de Thomas d’Aquin, et/ou au livre suivant : Joseph Bobik, Aquinas on Being and Essence : A Translation and Interpretation (1965 ; repr., Notre Dame, IN : University of Notre Dame Press, 2004).

 

2.      Thomas d’Aquin, Commentaire sur le De Trinitate de Boèce, Introduction, Question 1, A. 1-4 ; Q. 2, A.1-3 ; Q. 3, A. 1, 2, 4. ; Q. 5, A. 1, 4 ; Q. 6, A. 1-4.

a.       Ces lectures vont introduire le lecteur à la manière dont Thomas d’Aquin comprend les relations suivantes : (1) la relation entre la foi et la raison, (2) la relation entre la foi et la connaissance, (3) la relation entre les sciences (les sciences de nature, la mathématique et la philosophie) et la théologie. On aborde, aussi, la manière dont l’homme peut connaître Dieu, comment faire la théologie, l’importance et la nature de la foi, l’ordre et importance des sciences, etc.

b.      Dans ces lectures le lecteur va être introduit à la manière dont Thomas d’Aquin écrit dans plusieurs de ces livres (y compris le Somme Théologique) : la méthode scolastique de disputation. Dans une disputation l’auteur commence avec la question qui va être traitée dans la disputation. La question est suivie, en générale, par une liste de réponses possibles, mais qui sont en erreur pour une raison ou un autre (on pourrait les intituler des objections ou les positions contraires). La liste des positions contraires pourrait être assez longue. Après qu’on aurait énuméré toutes les réponses possibles (mais erronée) à la question, on fait appel à une autorité qui aurait pris la position de l’auteur. Il faut faire attention ici, l’auteur n’est pas en train de commettre une erreur de logique, mais de démontrer que la position qu’il va expliquer a était tenu par d’autres penseurs qui sont pris comme des autorités. Thomas d’Aquin fait appel à tous plein d’autorités différentes incluant, entre autres, la Bible, Augustine, Denys l’Aréopagite, Platon, Boèce, Avicenne, et Aristote (qu’il appelle, tout simplement, « le philosophe »). Après l’appelle à l’autorité l’auteur présente sa propre réponse à la question dans la section qu’on intitule « respondeo » ou « réplique ». Après avoir expliqué sa propre position, l’auteur finit en expliquant pourquoi chacune des positions contraires est en erreur (en latin on écrit ad unum, etc., qui est souvent traduit par « à la première objection » ou « réplique au premier »). Thomas d’Aquin utilise cette méthode de disputation assez souvent, non seulement dans ses commentaires sur la De Trinitate de Boèce, mais, aussi, dans toutes ses « Questions disputées », ainsi que dans la Somme Théologique. C’est pour ceci que ces écrits sont divisés en Questions (des grands thèmes) et en Articles (les questions individuelles qui tombent sous les grands thèmes).

c.       Je suggère qu’on a accès soit à un ami qui connaît bien le penser de Thomas d’Aquin, et/ou aux éditions suivantes (qui contiens des notes et commentaires importants d’Armand Maurer pour expliquer ce que Thomas d’Aquin dit) de ce commentaire : Thomas Aquinas, Faith, Reason and Theology, trans. Armand Maurer (Toronto : PIMS, 1987). Thomas Aquinas, The division and methods of the sciences, 4e éd., trans. Armand Maurer (Toronto : PIMS, 1986).

 

3.      Thomas Aquinas, Somme Contre les Gentils, Vol. 1, chs. 3-8 ; Vol. 2, chs. 2-4.

a.       Ces lectures vont complimenter les lectures précédentes. Dans ces lectures (vol. 1, chs. 3-8) le lecteur va être introduit à la penser de Thomas d’Aquin sur la relation entre la foi, la raison, et la connaissance de Dieu ; et sur l’importance des sciences de nature et la philosophie pour la théologie, ainsi que la relation entre la philosophie et la théologie et leurs méthodes respectives (vol. 2, chs. 2-4).

b.      Dans le Somme Contre les Gentils Thomas n’utilise pas la méthode de disputation. Cette œuvre est divisée en chapitres qui sont assez courts, et faciles à lire.

 

4.      Thomas d’Aquin, Questions disputées sur la Vérité, Vol. 3 : Q. 14, A. 1-3, 10 ; Q. 15, A. 1-3.

a.       Par le temps qu’on arrive à ces questions, le lecteur devrait commencer à être assez habitué à la manière de parler de Thomas d’Aquin. Dans ces lectures nous allons lire au sujet de la foi (Q. 14, A.1-3, 10), et au sujet de la raison (Q. 15, A. 1-3).

b.      Les questions Sur la Vérité sont écrites dans le format de la disputation scolastique.

 

5.      Thomas d’Aquin, Somme Théologique Ia, prologue.

a.       Avant de commencer la lecture de la Somme Théologique il faut comprendre pourquoi c’était écrit, ainsi que l’audience pour qui Thomas l’a écrit. Ce n’est pas très long : 2 paragraphes.

b.      Nous allons expliquer, dans la prochaine section, les connaissances qui devaient être déjà acquis avant de pouvoir être considéré un débutant en théologie.

c.       Personnellement je dirais au lecteur : « rendu à ce point, lis tout le Somme Théologique. » Sachant qu’un telle entreprise pourrait paraitre un peu énorme je vais noter, dans les points suivants, quelques un des articles important pour comprendre la doctrine de Dieu de Thomas d’Aquin.

 

6.      Thomas d’Aquin, Somme Théologique 1a, Q.1, A. 1-2, 4-5, 7-10.

a.       Dans ces sections de la Somme Théologique Thomas considère des questions préalable ou introductoire à la théologie : comme la nature et nécessité de la théologie, ainsi que des questions d’interprétation de la Bible.

b.      Thomas utilise la méthode de disputation dans la Somme Théologique.

c.       Il y a une multitude de bons commentaires sur le Somme Théologique. Un commentaire excellent qui vient de sortir dernièrement qui n’est pas trop grand, mais qui aide à bien comprendre le Somme est : Brian Davies, Thomas Aquinas’s Summa Theologiae : A Guide & Commentary (Oxford : Oxford University Press, 2014). Je suggère, à moins que tu sois en train de lire le Somme Théologique avec un ami, que tu lis ce livre en tandem avec tes lectures dans la Somme.

 

7.      Thomas d’Aquin, Somme Théologique 1a, Q. 2, A. 1-3.

a.       Ici on considère l’existence de Dieu. Cette section est fondamentale pour comprendre la doctrine de Dieu qui se trouve dans les sections suivantes.

 

8.      Thomas d’Aquin, Somme Théologique 1a, Q. 3, A. 7-8.

a.       Dans la Question 3 on considère la simplicité divine, un attribut divin qui est absolument essentiel pour le développement thomiste (et pour la théologie chrétien orthodoxe dès l’Église primitive jusqu’à aujourd’hui) de la doctrine de Dieu. Les articles 7 et 8 donnent un résumé de ce qui était démontré dans les a. 1-6.

 

9.      Thomas d’Aquin, Somme Théologique 1a, Q. 4, A. 1-3 ; Q. 5, A. 1, 3, 4 ; Q. 6, A. 1-4 ; Q. 7, A. 1-2 ; Q. 8, A. 1-4 ; Q. 9, A. 1-2 ; Q. 10, A. 1-4 ; Q. 11, A. 1-4 ; Q. 12, A. 1-8, 10-13 ; Q. 13, A. 1-7, 11-12 ; Q. 14., A.1-16 ; Q. 18, A. 1-4 ; Q. 19, A. 1-10 ; Q. 20, A. 1-4 ; Q. 21, A. 1-4 ; Q. 22, A. 1-4 ; Q. 23, A. 1-8 ; Q. 25, A. 1-6.

a.       Ce sont les articles qui traitent de la doctrine de Dieu.

b.      Note que Thomas d’Aquin ne parle pas de comment on connait et parle de Dieu jusqu’au Question 13, après avoir déjà parlé de Dieu pendant 12 grandes sections. Ce fait semblerait venir du fait qu’on ne peut pas parler de la meilleure méthode pour faire x jusqu’au temps qu’on aurait fait x avec succès.

 

10.  Si le lecteur réussit à lire tout ce que j’ai suggéré ici, alors il/elle n’est plus un débutant en Thomas d’Aquin. Bonne lecture.

 

Quelques conseils pour le débutant

            Dans cette dernière section, je vais tout simplement donner quelques rapides conseils aux débutantes qui pourraient les sauver des erreurs graves dans leur interprétation de Thomas d’Aquin. Plusieurs de ces conseils pourraient être appliqués à la lecture de n’importe quel auteur, y compris la Bible.

1.      Si tu lis un autre auteur pour t’aider dans ta compréhension de Thomas d’Aquin, il ne faut pas (absolument pas) faire référence à un auteur qui voit Thomas d’Aquin comme l’ennemi, ou qui n’est pas du tout d’accord (en rien) avec Thomas d’Aquin.[3] Si tu veux bien comprendre Thomas d’Aquin, la meilleure chose que tu pourrais faire est de lire Thomas d’Aquin avec l’aide d’une personne qui est d’accord avec ce que Thomas dit, et qui le comprend. Si ceci n’est pas possible pour toi, alors il faut faire référence à un livre (commentaire ou introduction) qui est écrit par un auteur qui est thomiste. Les livres que j’ai suggérés dans ce court traité vont être utiles pour le débutant. C’est mieux d’avoir pris le temps de comprendre Thomas d’Aquin selon ses propres écrits (et ceux qui adhèrent à sa pensée) avant de commencer à lire ceux qui auraient critiqué ses pensées. Les deux positions (pour et contre) sont importantes, mais c’est mieux, pour la compréhension de l’auteur en question, qu’on commence avec ceux qui sont pour que de commencer avec ceux qui sont contre.

2.      Même si tu es une personne d’une intelligence exceptionnelle il ne faut pas commencer à lire Thomas d’Aquin pensant que tu vas comprendre, facilement, ce qu’il dit. Si on veut vraiment comprendre la pensée d’une personne (surtout d’un penseur qui est aussi important et autant nuancé que Thomas d’Aquin) alors il faut commencer la lecture de leurs œuvres avec une attitude d’humilité. On doit le laisser nous enseigner avant de pouvoir le critiquer. C’est l’arrogance de notre génération qu’on pense que nous allons pouvoir comprendre, à une première lecture superficielle, les pensées d’un grand penseur. C’est mieux de commencer avec l’idée que Thomas d’Aquin est beaucoup plus intelligent que nous (d’après tout, il est un des penseurs les plus importants de l’histoire mondiale, et moi…). Un chrétien « pieux » pourrait vouloir dire, « Oui, mais, s’il n’était pas un véritable chrétien, alors son intelligence ne vaut rien. » Certains commentaires ne méritent pas de réponse.

3.       Il serait une très bonne idée de trouver un livre de définitions thomiste. Je pourrais suggérer, en anglais, le livre suivante : Bernard J. Wuellner, Summary of Scholastic Principles (Chicago : Loyola University Press, 1956).

4.      Ne saute pas aux conclusions. Thomas d’Aquin va dire des choses qui vont avoir l’aire étrange, incompréhensible, ou qui pourrait même (à premier regard) être épeurante. Ne saute pas aux conclusions. Il faut donner, à l’auteur, le bénéfice de doute. C'est-à-dire, au lieu d’arriver, tout de suite, à la conclusion : il est en erreur. Commence avec la conclusion : Je dois avoir mal compris ; et, cherche à mieux comprendre (relire la section, lire d’autres écrits par Thomas d’Aquin sur le même sujet—il en a écrit à plusieurs reprises sur quasiment tous les sujets, lire des commentateurs qui parle de la section en question, parle avec un spécialiste). Après avoir fait les recherches mentionnées ici tu vas être plus en mesure de faire un jugement négatif ou positif.

5.      Le dernier conseil que je vais donner, ici, est que c’est toujours une bonne chose, pour l’interprétation de Thomas d’Aquin (ou n’importe quel auteur) de bien comprendre l’histoire du développement de la pensée humaine (autant théologique—Thomas d’Aquin était un théologien—que philosophique), et où Thomas d’Aquin (ou n’importe quel penseur) s’insère dans cette histoire. Comprendre cette histoire, ainsi que les termes qui sont utilisés pour nommer les différentes périodes de pensée ainsi que les différentes écoles de pensée, va t’aider à mieux comprendre Thomas d’Aquin (ou n’importe quel penseur) dans son contexte historique, et dans le contexte des écoles de pensées qui pourraient l’influencer. Juste pour donner un exemple de comment on peut tomber en erreur dans l’interprétation d’un penseur si on ne prend pas en compte son contexte dans l’histoire du développement de la pensée humaine : il serait une erreur majeure de dire que Thomas d’ Aquin était un rationaliste, ou un penseur continental; même s’il croyait qu’il y avait une place dans la théologie pour le raisonnement (par exemple, on ne peut pas interpréter la Bible sans utiliser notre intellect), même s’il vivait sur le continent européen. Généralement on utilise le terme « rationaliste » pour parler d’un philosophe (et théologien) qui : (1) est/était influencé par la pensée de René Descartes (c. 1596-1650), et (2) pense qu’on peut démontrer toute vérité (y compris les vérités du christianisme) par la raison seule. Thomas d’Aquin ne croyait pas, du tout (2) ; et c’est évident qu’il n’était pas du tout influencé par Descartes ; alors, on ne peut pas l’appeler un rationaliste. En général, quand on parle des penseurs continentaux, on fait référence à des philosophes européennes, vivant sur le continent (surtout France et Allemand) dans le 19e et 20e siècle. C’est évident, alors, que Thomas n’est pas un philosophe « continental ». Le point de tout ceci est qu’on doit savoir où Thomas se situe dans l’histoire du développement de la pensée humaine (autant théologique que philosophique) si on veut bien comprendre la pensée de Thomas.

 

Conclusion

J’espère que ces humbles conseils vont aider ceux qui les utilisent à être enrichis par une interaction avec un des plus grands théologiens et philosophes chrétiens, qui était un des sources principaux non seulement de la théologie catholique, mais, aussi, et autant, de la théologie protestante (comme je démontre dans un autre article).



[1]Cette liste se base sur la liste trouvée dans le livre suivant : Brian Davies and Eleonore Stump, eds., The Oxford Handbook of Aquinas (Oxford : Oxford University Press, 2011), 533-535. Je l’ai vérifiée en comparant les dates avec des précisions notées dans l’article suivant : Gérard Verbeke, « Authenticité et chronologie des écrits de saint Thomas d’Aquin, » dans le Revue Philosophique de Louvain, 3e série, t. 48, no. 18 (1950), 260-268.

[2]Cf. St. Thomas Aquinas, Introduction to Saint Thomas Aquinas, ed. Anton C. Pegis (New York: Random House, 1948). Thomas Aquinas, A Summary of Philosophy, ed. & trans. Richard J. Regan (Indianapolis, IN: Hackett, 2003).

[3]Arvin Vos, philosophe reformé, démontre assez clairement que les majeures parties des auteurs évangéliques qui auraient critiqué Thomas d’ Aquin n’ont jamais lu Thomas d’Aquin pour eux-mêmes, ou ils ont lu Thomas d’Aquin à travers les lunettes interprétatives d’un autre auteur qui n’avait aucun amour pour Thomas d’ Aquin. Cf. Arvin Vos, Aquinas, Calvin, & Contemporary Protestant Thought: A Critique of Protestant Views on the Thought of Thomas Aquinas (Washington, D. C.: Christian University Press, 1985).

POURQUOI THOMAS D’AQUIN?

              Cette article était publier sur un autre blogue, en 2013. Je le republie ici, sans changement, pour l'instant.            ...